Aller au contenu

Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lundi, 17 octobre.

Le grand tournoi du jeu de crosse, entre les clubs Shamrocks, de Montréal et les Capitals, d’Ottawa, a eu lieu, comme vous le savez, samedi dernier.

Jamais je n’ai vu tant d’animation, de mouvement, d’enthousiasme. Ce n’était pas de l’enthousiasme ordinaire, c’était du délire. Chacun semblait littéralement hors de lui et les applaudissements, les cris, les hourrahs assourdissaient les airs.

Une foule immense encombrait les terrains. Plus de deux cents sportsmen étaient arrivés de Québec, pour être témoins de cette joute gigantesque, et le contingent d’Ottawa ne comptait pas moins de trois mille personnes.

Joignez à cela nos bons Montréalais, et, vous arrivez presque au joli chiffre de quinze mille spectateurs.

Les estrades étaient remplies jusqu’à la dernière place.

Il y en avait de juché un peu partout, et ces masses grouillantes, ces grappes humaines, accrochées ça et là, faisaient voir dans leur ensemble un drôle d’effet.

Je ne puis voir un grand rassemblement sans penser au jugement denier. C’est stupide, me direz-vous, car, enfin, rien ne rappelle la trompette retentissante, ni les autres accessoires qui doivent accompagner notre dernière sentence, mais je crois que dans mon extrême enfance, la scène de la vallée de Josephat s’est gravée plus fortement que les autres dans mon esprit, stimulée qu’elle était surtout, par la perspective, bien consolante alors, de connaître mille petits détails cachés sur le compte de mon entourage.

Mais revenons à notre sujet.

Dès le matin, les billets d’admission faisaient prime. J’ai mis à m’en procurer un jusqu’à mon dernier sou, un vieux sou « de chance » qui m’avait été donné il n’y a pas bien longtemps encore.