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Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 1.djvu/286

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Parmi les faits historiques qui ont simplement servi de point de départ aux inventions populaires, j’indique la disparition du corps de Morvan, enlevé par les Franks ; les rapports qu’il eut après sa mort avec le moine Wilchar, et sa sépulture, dont l’empereur Louis crut devoir régler lui-même le cérémonial, sans doute afin de dérober sa tombe à la piété rebelle des Bretons. Ceux-ci, les plus superstitieux du moins, s’imaginèrent aisément que, si leur défenseur avait été rappelé à la vie par le moine frank, comme le bruit en courait, il n’avait pu l’obtenir de lui qu’a des conditions aussi dures que celles auxquelles la famille de Morvan et eux-mêmes la recevaient du vainqueur. Ils supposèrent donc qu’il était retenu captif par le moine dans quelque retraite écartée où il subissait, pour prix de la vie, une pénitence très rude, à laquelle il se soumettait, comme eux-mêmes se soumettaient à la loi de leurs conquérants. Mais au milieu de leurs humiliations et de leurs souffrances acceptées, qu’ils lui faisaient partager avec eux en se personnifiant en lui, ils ne perdaient pas l’espoir. De même qu’ils croyaient au retour d’Arthur, mort en défendant son pays contre les Saxons, trois siècles auparavant, ils crurent que la servitude de Lez-Breiz, ainsi que la leur, aurait un terme, et qu’il reviendrait se mettre à leur tête pour expulser les Franks. De là les recherches entreprises par son écuyer, dans le poème populaire, et la découverte du souterrain où il dort ; de là son prochain réveil, et le cri de guerre qu’il va pousser, après sept ans de servitude et de silence, c’est-à-dire, chose bien remarquable ! précisément sept ans après la mort de Lez-Breiz et la soumission de la Bretagne (818), l’année même (825) où un autre vicomte de Léon de sa famille, Gwiomarc’h, nouveau soutien des Bretons, nouveau Lez-Breiz, appelant son pays aux armes, recommença plus vivement que jamais la guerre contre l’étranger.

Le poëme, dont cette importante circonstance fixe la date au moment où l’insurrection éclata, jouit à son apparition d’une telle popularité, qu’il passa dans le Pays de Galles. Chanté d’abord, comme en Bretagne, il fut, avec le temps, remanié en prose par les Bretons d’outre-mer, et nous en retrouvons le début sous cette forme dans un de leurs contes nationaux, écrit au onzième siècle. Le voici tel que le donne l’écrivain gallois ; mais toute poésie, toute naïveté, tous les détails charmants de l’original, la forme même, si dramatique et si piquante, ont complètement disparu dans son récit terne et sans vie, qui n’est qu’un résumé, du reste. J’ai déjà