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Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 1.djvu/40

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Hyvarnion, d’une classe inférieure à celle de saint Sulio, paraît n’avoir quitté l’île de Bretagne que pour chercher sur le continent, où la paix la plus grande régnait, disait-on, les moyens d’exercer son art en pleine sécurité.

« Comme il estoit, dit Albert le Grand, parfaict musicien et compositeur de balets et chansons, le roy, qui se délectait à la musique, l’appointa en sa maison et lui donna de grands gages. » Mais ce ne fut pas la seule cause qui le fixa en Armorique : une nuit, continue le naïf narrateur, il songea qu’il avoit espousé une jeune vierge du païs. Un ange lui estoit apparu en lui disant : Vous la rencontrerez demain, sur votre chemin, près de la fontaine : elle s’appelle Rivanonn[1]. »

Cette jeune fille était de la même profession que lui[2] ; il la rencontra en effet près de la fontaine ; il l’épousa et eut d’elle un fils nommé Houarvé, qui naquit aveugle, et chantait, dès l’âge de cinq ans, des cantiques faits par sa mère[3].

Ainsi le génie des bardes de l’Ile de Bretagne s’unissait à la muse d’Armorique, loin des villes, dans la solitude : mystérieux et poétique hymen, dont l’avenir devait recueillir les fruits.

Cette fusion des deux génies gaulois et breton s’opérait incontestablement par l’action du christianisme. On se tromperait toutefois en croyant qu’elle eut lieu sans opposition, et que les bardes héritiers de la harpe et des secrets des anciens druides armoricains ne firent aucune résistance à l’invasion d’une croyance nouvelle qui les dépouillait de leur sacerdoce. Si Taliesin désabusé consacrait au Christ les fruits d’une mystérieuse science,

  1. Vie des saints de Bretagne, p. 143.
  2. D. Lobineau, ib., p. 264.
  3. Albert le Grand, ib., p. 146.