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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 1.djvu/154

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journal de ma vie

n’estre sans raison : un des lieutenants du mareschal de camp, vieux colonel nommé Hermestein, nous dit que l’on pouvoit discerner les Turcs d’avesques les chrestiens qui estoint la morts, non seulement par la circoncision, mais aussy par les dents, que les Turcs avoint toutes gastées et pourries, a cause des turbans dont ils couvrent trop leurs testes ; que nous ne trouverions point aux Hongrois quy ne la couvrent que de ce petit bonnet : ce que nous trouvasmes veritable en plus de cinquante Turcs quy avoint les dents gastées ; et ceux quy n’estoint point circoncis les avoint fort blanches et nettes.

Apres cette victoire nous repassames toute l’armée de l’autre costé du Danube, en nostre camp, quy n’y arriva pas toute qu’il ne fut le lendemain 30e de grand jour ; auquel le general commanda que l’on tuat tous les prisonniers du jour precedent, parce qu’ils embarrassoint l’armée : quy fut une chose bien cruelle de voir tuer de sang froid plus de huit cens hommes rendus.

Je vins disner cheux le Rosworm, selon la promesse que je luy en avois faite, avesques tous les principaux de l’armée, ou nous confirmames avesques le verre, et mille protestations, l’amitié (qu’il m’a toujours depuis fidellement gardée), que nous avions faite sur le champ de battaille. Apres disner nous nous mismes a jouer a la prime, et demeuray jusques a minuit dans sa tente, y ayant encores fait collation.

Octobre. — Le lendemain premier jour d’octobre, le conseil de guerre se tint, auquel on admit les deux princes, et on me fit aussy cet honneur de m’y appeller, la ou fut agité le differend d’entre le baron de