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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 1.djvu/161

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1603. octobre.

a leur mode, ce quy faisoit paroistre infinis miroirs a la lueur du soleil, quy, ce jour la, fut tres beau et clair. Ils vindrent de furie donner a nostre nouveau fort, et ceux quy ne peurent monter servirent de marche-pied aux autres pour y entrer, et y tuerent plus de trois cens de nos Hongrois, le reste s’estant sauvé dans les chayques quy estoint a leur bord pour les ramener au nostre. Plusieurs Turcs se jetterent a cheval dans le Danube pour attaquer nos chayques, dont quelques uns furent tués, et deux ammenés de nostre costé avesques les chevaux.

Cependant l’armée de Danube[1] des Turcs s’approchoit toujours, tirant incessamment, et donna dans les esquadrons de reitres quy estoint en bataille dans l’isle d’Odom, de sorte qu’il les fallut faire tirer a l’escart, et mettre le regiment de Pets sur le ventre. Mais a l’heure mesme le comte de Zults ayant fait pointer six canons de batterie contre les galeres et chayques des Turcs, il les força de s’en retourner.

Ce fut chose estrange que, de quarante canons pointés contre la plaine ou estoint les Turcs, quy tirerent par trois fois, il n’y eut jammais que deux volées[2] de canon quy rasassent l’horizon, lesquelles firent chascune une rue par ou elles passerent, faisant voler tant de testes, jambes, et bras en l’air que, sy les autres canonnades eussent fait de mesme, ils eussent tué plus de deux mille hommes. Le general en attribuoit la faute au jour de dimanche,

  1. L’armée de Danube, c’est-à-dire la flottille.
  2. Deux volées, c’est-à-dire seulement deux coups.