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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 2.djvu/39

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1615. octobre.

En mesme temps parurent les ennemis : mais ils ne s’avancerent point ny n’entreprindrent de venir baiser[1] le ruisseau. Monsieur le mareschal fut conseillé par tous les chefs de se loger avec l’armée a Chanlay et a ..... : mais comme l’un estoit bruslé et l’autre peu logeable, que son disner estoit preparé a Joygny, il ne sceut estre persuadé de le faire, ce quy fut une grande faute ; car nous forcions par ce logement les ennemis de se jetter dans le Morvant[2] et de perdre dans ce meschant païs leur bagage, infanterie, et canon, et prendre le haut du Nivernois a passer le reste de leurs trouppes quy eussent peu fuir devant nous, au lieu que nous nous amusames trois jours a Joygny et leur donnames loysir de prendre le logis de Charny[3] et de nous devancer a la rivière de Loire. C’estoit l’opinion de Descures, de Montalant, et de Pigeolet[4], quy connoissoint parfaitement bien ce païs là, et ce qu’il falloit faire.

Ce mesme Pigeolet voyant que les ennemis avoint la teste tournée devers Gien pour y passer, et, comme il estoit du païs, sçachant que sy les ennemis y arrivoint les premiers, on leur en ouvriroit la porte, proposa a monsieur le mareschal de s’y aller jetter sy on luy vouloit donner deux compagnies de son regiment de

  1. Approcher.
  2. Le Morvan, pays montagneux compris en partie dans le département de la Nièvre, avec Château-Chinon pour ville principale, sépare le bassin de la Seine de celui de la Loire.
  3. Charny, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Joigny, à 6 lieues S. O. de cette ville.
  4. Pigeolet était lieutenant-colonel du régiment de Champagne.