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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 3.djvu/149

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1622. octobre.

niers, capitaines audit regiment, furent tués. Mr le Prince me renvoya encor querir parce que je voulois secourir mon compagnon Valançay quy faisoit donner ; il me dit qu’il luy sembloit encor que tout alloit bien : « Et moy tres mal, luy respondis je ; car tout ce quy ne se commence pas bien n’a jamais bonne issue. Vous voyés que les nostres se logent dans la courtine, qu’ils sont veus de tous costés, qu’a la moindre mine que les ennemis feront de sortir sur eux, ils lascheront le pié, et peut estre le feront quand et quand quitter a ceux quy les soustiennent. »

Je fus a mon regret prophete ; car a l'heure mesme les ennemis sortirent par l’effet de la mine du flanc, et les nostres quitterent la place : ceux mesmes de l’attaque de la pointe du ravelin en firent autant. Lors j’y courus et trouvay que Mr d’Espernon marchoit avec quelque trente gentilshommes l’espée a la main : un d’eux quy tenoit un pistolet haut contre moy[1] le desbanda, et il me perça le bord de mon chapeau d’une balle. Je pris cinquante hommes de Piemont et quelque quinse gentilshommes, et allay la teste baissée aux ennemis que nous rechassames dans le ravelin d’abbord[2]. Aussy n’estoint ils qu’environ vingt hommes sortis, quy ne laisserent de donner l’espouvante de telle sorte que l’on envoya querir le regiment des gardes : mais ce fut sans s’en ayder ny en avoir

  1. A côté de moi.
  2. « Le sieur de Bassompierre depuis peu fait mareschal de France pour ses merites, mit l'espée à la main, et avec quelques soldats du regiment de Piedmont, y courut.... Dans un tel nombre de desordre des nostres, le mareschal de Bassompierre tesmoigna son jugement et son courage. » (Histoire du mareschal de Toiras.)