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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 3.djvu/316

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journal de ma vie.

« Je finis suppliant tres humblement Vostre Majesté de se ressouvenir qu’Elle m’a fait l’honneur de me donner la charge de lieutenant general de son armée sans que je l’aye mendiée, pratiquée, escroquée, ny mesmes recherchée ; qu'Elle m’a plusieurs fois reiteré, a Paris et par les chemins, qu’Elle me la conserveroit dignement ; qu’Elle m’a fait trop noblement mareschal de France pour faire maintenant commencer par moy un sy grand ravalement a ma charge et que je ne suis point sy ambitieux d’employ que je ne quitte tres volontiers celuy qu’Elle m’a donné, plustost que de le faire indignement ; et que sans mescontentement ny plainte je m’en retournerois tres volontiers a Paris y faire le bourgeois et y prier Dieu qu’il continue ses graces a Vostre Majesté par quantité de victoires sur ses ennemis, attendant que l'honneur de ses commandemens m’employe ailleurs. »

Apres que j’eus parlé comme dessus, Mr de Chomberg en fit autant et deduisit eloquemment ses interets et ceux des mareschaux de France. Puis nous nous retirames, et sans y penser plus avant, m’en allay voir le fort d’Orleans[1] commencé, quy estoit le seul travail qu’en trois mois on avoit fait a la Rochelle, et a mon retour estant venu cheux le roy, il me demanda ce qu’il m’en sembloit. Je luy dis que c'estoit un inutile travail, placé au plus mauvais endroit que l’on eut sceu choisir en tout Coreilles, plus grand des trois parts qu'il ne falloit, mal travaillé, de grande despense, de peu de proffit, construit non comme un

  1. Le fort d’Orléans, commencé près du canal ou avant-port du côté de Coreilles, ne fut jamais achevé.