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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 4.djvu/213

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journal de ma vie.

ordres et estats et leur demander ayde sur ce nouvel accident. Chascun s’efforça de contribuer noblement ce qu'il peut, et aucun ne refusa, selon sa portée, de fournir hommes, chevaux, armes et argent.

Le dimanche 10me ma niece de Beuvron fut trouver monsieur le cardinal pour luy parler de ma liberté, auquel elle parla en sortant de sa chambre : mais luy en se moquant luy respondit que je n’avois encores esté que trois ans a la Bastille, et que Mr d’Angoulesme y avoit esté quatorse ans ; qu’a propos il estoit revenu, affin qu’il luy peut donner un bon avis sur le sujet de ma liberté, et qu’il en consulteroit avesques luy. J'oubliois a dire qu'a l’allarme du passage de la Somme, Mr d’Angoulesme, Mr de la Rochefoucaut, Mr de Valançay, et autres exilés, furent rappelés[1] : mais la colere et la haine continua contre moy de telle sorte que non seulement on n’eut pas consideration ny compassion de mes longues miseres, qu’au contraire on les voulut accroistre par cette derision et moquerie. Ce n’estoit pas que le peuple et tous les ordres de Paris ne parlassent hautement de ma liberté et ne la demandassent avec instance.

Ce mesme jour 10me monsieur le cardinal alla voir proche de Saint Denis les trouppes qu’a la haste ceux de Paris avoint levées pour opposer aux ennemis. Ce jour le roy se trouva un peu mal, quy l’empescha d’aller voir ces trouppes.

  1. Le duc d'Angoulême avait été privé de son commandement l’année précédente : M. de la Rochefoucauld était retiré dans son gouvernement de Poitou : M. de Valençay avait été, en 1632, dépossédé du gouvernement de Calais et renvoyé en sa maison, comme suspect d’inclination pour le parti de Monsieur.