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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 4.djvu/242

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1637. octobre.

En ce mesme temps il y eut un chevaux leger prisonnier pour avoir recité un sonnet quy commençoit par ces mots : Mettre Bassompierre en prison[1], et quy continuoit par des medisances contre monsieur le cardinal ; et comme l’on le fit estroittement garder, et soigneusement interroger, on eut d’autant plus de curiosité de sçavoir la cause de sa detention ; et comme un des prisonniers eut trouvé moyen de luy parler un instant, il luy dit que c’estoit pour des vers quy parloint de moy. Cela me mit en allarme, quy me fut augmentée par le gouverneur de la Bastille quy me dit inconsiderement (ou bien expres), que ce prisonnier avoit esté arresté pour des choses quy me regardoint : en suitte de quoy on me manda de la ville, de bonne part, que je prisse garde a moy, et qu’il se machinoit quelque chose d'importance contre moy, dont ils tascheroint d’en apprendre davantage, ne m'en pouvant pour l’heure dire autre chose sinon de m’advertir de brusler tous les papiers que je pourrois avoir capables de me nuyre, parce qu’asseurement on me feroit fouiller. J'avoue que ce dernier avis quy suyvoit tant de precedentes circonstances et d’autres mauvaises rencontres, fut presque capable de me faire tourner l'esprit. Ce fut le 9me octobre que je le receus : je fus six nuits sans fermer l'œil, et quasy toujours dans une agonie quy me fut pire que la mort mesme. En fin ce prisonnier, quy se nommoit Valbois, apres avoir esté sept ou huit fois interrogé, et qu’il eut fait voir que ce sonnet avoit esté fait sept ans auparavant[2], cette

  1. Voir à l’Appendice. XIV.
  2. L'auteur se trompe : il n’y avait pas encore sept ans qu’il était en prison.