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Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 4.djvu/258

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1638. avril.

un ample pouvoir pour commander en Languedoc, Guyenne, et Bearn, avec une puissante armée qu’il avoit sur pié.

Ce mesme mois on fit sortir les trouppes du roy de leur quartier d'hiver, ou (pour mieux dire), on les mit en campagne pour former des corps d'armée ; car la pluspart avoint vescu presque a discretion sur le plat païs par la mauvaise execution quy avoit succedé a un tres bon ordre : car on avoit projetté de les faire nourrir par les païs ou elles avoient esté departies, et que les villes se chargeroint de leur subsistance au taux et a la ration quy avoit esté limitée, et que la repartition s’en feroit en suitte sur le païs, quy par ce moyen seroit conservé ; a quoy les peuples s’estoint sy franchement portés que les dittes villes avoint la pluspart avancé deux et trois mois de contribution que de bonne foy ils avoint mises es mains de Besançon (qu'avec un ample pouvoir le roy avoit commis pour effectuer cet ordre) : mais luy premierement, a ce qu’on dit, en remplit ses bougues[1], puis, pour s’accrediter en court, ayant donné avis qu’il avoit de grandes sommes en despost, Bulion quy avoit force argent a distribuer lors, et quy avoit peu de fonds, persuada que l’on prit celuy quy estoit es mains dudit Besançon pour subvenir a l’urgente necessité du duc de Waimarch apres qu’il eut pris Laufenbourg, ce quy fut executé ; et les soldats estans privés des rations ordinaires que l’on leur donnoit, forcerent les villes ou

  1. Il faudrait plutôt lire : bouges, c’est-à-dire, en vieux français : bourse (Littré). On disait : il a bien rempli ses bouges, pour dire : il a fait un gros gain (Ménage).