Aller au contenu

Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

GINETTE.

C’est le comble, par exemple !

PIERRE.

Parfaitement, à votre insu ! La trahison, c’est d’avoir apporté ici votre jeunesse, je ne dis pas seulement votre charme, je dis la puissance de votre jeunesse ardente, même votre gaîté, même ce courage que vous communiquez à tout le monde. Vous parliez tout à l’heure de la bureaucratie, de la porte qu’il faudrait ouvrir pour balayer cette atmosphère endormie. Eh bien c’est ce que vous avez fait, vous, en entrant ici sournoisement et sans le vouloir.

GINETTE.

Oh ! sournoisement !

PIERRE.

Vous avez ouvert les fenêtres, vous avez balayé cette atmosphère provinciale où des énergies un peu molles s’endormaient dans le confort, dans une austérité pour laquelle nous n’étions peut-être pas nés. Cette grande histoire, la Guerre passait au-dessus de nos têtes. Vous, avec vos blessures toutes neuves, toutes saignantes, votre rage, votre enthousiasme, vous êtes arrivée comme un petit bolide. Vous nous avez tous entraînés. Qui sait même si Cécile aurait trouvé en elle ces ressources d’énergie si vous ne la lui aviez un peu soufflée ; vous n’avez pas besoin de proclamer votre amour pour la jeunesse, allez ! C’est vous qui êtes la jeunesse ! Mais cruelle par exemple… et sévère ! Bah ! la bonté vous viendra plus tard. La bonté, c’est déjà de la décadence.

GINETTE, (éclatant de rire, le nez sur son ouvrage.)

Bon Dieu ! mais je ne suis pas tout ça ! Que