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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/106

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Eux seuls méritent d’être aimés, tous ces sonneurs d’enthousiasme ! Ginette, vous n’avez pas besoin de m’entraîner ! Je vous réservais depuis quelque temps une grande surprise, et vous ne vous en doutiez pas ! Regardez-moi bien, savez vous ce que je viens de faire à l’instant, savez vous où je suis allé avec l’auto ? Je me suis fait conduire au bureau militaire. Dans ma poche depuis hier matin, je serre précieusement la réponse que l’autorité militaire m’a fait parvenir, réponse à une demande formulée par moi depuis une quinzaine de jours.

GINETTE.

Et qui était ?

PIERRE.

Celle d’obtenir mon envoi volontaire en première ligne.

GINETTE, (stupéfaite.)

Qu’est-ce que vous dites là ?

PIERRE.

C’était facile. J’ai été soldat et je n’ai été versé dans mon service que par protection au moment de la mobilisation. Je n’ai que quarante-six ans après tout. Dans les tranchées, il y a des hommes de cinquante !

GINETTE.

Et cette autorisation, vous…

PIERRE.

Je l’ai là depuis hier matin. Elle me brûle ! Croyez-vous, je me sentais encore partagé par différents sentiments, je ruminais les vieux devoirs, comme s’il y en avait deux ! Il n’y en a qu’un ! Oui, oui ! Je m’en rendais compte ; mais au milieu de notre conversation de tout à l’heure, quand j’ai entendu votre cinglante ironie… car