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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/125

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GINETTE, (la voix ferme.)

Non, mais l’avenir, voyez-vous, il faut toujours avoir les yeux fixés sur lui ! J’ai une si grande confiance en l’avenir…

CÉCILE.

Vous avez raison, seulement le passé n’est jamais tout à fait liquidé… Tenez, je me demande même si je lui ai assez fait comprendre tout mon amour pour lui, toute ma tendresse… En quinze années de mariage, c’est inouï, on ne trouve même pas le temps de dire tout son amour. J’ai des remords maintenant de ne pas le lui avoir assez fait comprendre ! Comme c’est court, quinze ans !… Mais je parle, je parle ! Excusez-moi… Simone n’est pas en âge de partager ces sentiments-là, alors je me confie à vous. Je sais bien, vous allez me gronder encore, Ginette, et vous aurez raison ; tout le monde n’a pas votre force admirable ! Ne me grondez pas, tenez, et embrassez-moi.

(Elle lui tend la joue.)
GINETTE.

Cécile, Cécile ! ne vous laissez pas abattre… Ayez confiance ! Je suis si sûre, moi, si certaine !

CÉCILE, (lui caresse amicalement les cheveux.)

Et moi donc !… Nous nous comprenons bien maintenant n’est-ce pas ? Depuis six mois d’intimité complète à nous deux et surtout depuis ce dernier mois !… Dites, au fond de vous, m’avez-vous pardonné ce petit mouvement que j’ai eu naguère envers vous, m’avez-vous bien pardonné ? Ce n’était pas, vous le comprenez, vous-même que j’accusais directement, mais l’imprudence de vos paroles ! Comme disait Pierre en riant, vous êtes née cornélienne… Mais enfin, dame, cette espèce d’appel aux armes perpétuel qui