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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/132

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GINETTE, (en proie à une grande émotion.)

J’ai des remords, des remords affreux qui torturent ma conscience depuis le départ de mon cousin. Ma part de responsabilité est si grande !

DUARD.

Je vous supplie d’avoir confiance en moi. Allez jusqu’au bout de la sincérité. Croyez-vous que je ne puisse deviner à demi…

GINETTE.

Il y avait une vilenie dans l’air… Instinctivement, j’ai voulu la détourner, la changer en beauté… J’étais sincère. J’ai fait comme les sœurs de charité, comme les prêtres, lorsqu’ils voient une âme en perdition. Leur prosélytisme s’acharne et lorsqu’ils gagnent cette âme à leur cause, alors ils s’enorgueillissent de leur ouvrage, comme s’ils avaient fait une grande action !… Ah ! les fous, les fous ! Que m’importait à moi, je vous le demande un peu, de gagner cette âme à la patrie ! comme si elle en avait encore besoin, la patrie !… En tout cas ce n’était pas à moi de parler !… J’étais l’hôte, la réfugiée… Hélas ! qu’ai-je fait !

DUARD.

Je veux vous aider, Mademoiselle, vous secourir moralement…

GINETTE.

Je n’ai pas conseillé, mais j’ai inspiré ce départ !

DUARD.

Eh bien ! je ne vois pas le mal qu’il peut y avoir à inspirer une vertu de sacrifice et de courage que le plus humble ouvrier, le plus simple paysan de France porte en lui. De quoi pourriez-vous avoir honte ? Ceux qui peuvent éprouver un remords, ce sont ceux qui ne sont pas capables d’escalader