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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/201

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moi, à deux pas de ma maison ! Alors, nous allions nous rencontrer dans les rues, vous alliez triompher et prospérer, tandis que je m’éteindrais dans mon esseulement et ma tristesse ! Vous seriez ici l’éternelle rivale triomphante officielle, l’étrangère venue s’installer chez lui, respirant l’air que vous lui avez enlevé… prenant possession d’une ville où vous êtes entrée par la porte de la charité. Je ne veux pas de ce mariage qui m’offense, qui me mortifie dans mes sentiments les plus secrets ! Je ne veux pas, vous dis-je, que vous soyez heureuse, je ne tolérerai pas que vous soyez deux ! J’emploierai les moyens qu’il faut ; mais je vous forcerai bien à rester sienne, murée dans le passé, comme je le suis, moi !… Pierre, Pierre !… Elle veut déjà se défaire de ta présence, quand moi, je n’en suis jamais lasse !

GINETTE.

Ah ! cette voix, cette voix, comme elle me fait mal !

(Elle éclate tout à coup en sanglots.)
CÉCILE, (se rapprochant.)

Vous allez connaître, Ginette, les longues heures de la solitude dans le souvenir, les longs soirs où on pleure toute seule, comme si la vieillesse était déjà là. Ginette, puissiez-vous connaître les nuits sans sommeil ! Tous les jours, tous les jours, vous vous redirez : « Comme il m’aimait, comme il m’aimait ! » Tous les jours, vous rechercherez le bruit de sa voix…

(Elle parle doucement, maintenant, comme si elle voulait l’attirer à elle, par la séduction des larmes.)
GINETTE, (la tête dans ses coudes.)

Cécile, Cécile !

CÉCILE.

Rappelez-vous comme il était bon, comme il