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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/22

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tion, logique, rapide, irrésistible, après la guerre, voilà ce que l’on peut prophétiser — et sur toute la terre ! La sainte Démocratie tout en sang, en haillons de misère et de gloire, celle-là qui reviendra des tranchées, les entrailles dans les mains, comme le roi de la légende, se souvenant du crime allemand, celle-là ne permettra plus aux despotes d’aucun pays de leur faire subir un fléau pareil, sans son propre consentement. Par le sacrifice de leur sang, par la grandeur d’âme à laquelle ils ont atteint, par la preuve qu’ils viennent de donner de leur valeur, les peuples ont acquis le droit définitif de disposer d’eux-mêmes. Ils se sont rachetés à jamais de l’esclavage. L’homme s’est sacré divin et libre… Il s’est réalisé, et ne se dépassera peut-être jamais !… Mais être le thuriféraire de cette buverie de sang !… Jamais ! À d’autres le péan, l’ivresse sanglante sur les buttes de terre molle où dorment nos enfants et avec eux tous les germes merveilleux qu’ils eussent engendrés et dont la terre est à jamais sevrée !…

Cette guerre, en dépit de ses proportions gigantesques, n’est pour nous qu’une guerre de défense, une guerre haïe de l’esprit, méprisée du cœur. Seul le sacrifice unanime de la nation à la cause aura rayonné d’une gloire impérissable, insurpassable ! Mais l’appel aux armes nous a surpris en plein rêve humanitaire, en plein idéal de progrès, à l’heure d’une riche maturité. Cet effondrement total de plus de cent ans d’efforts vers toutes les plus belles espérances de fraternité et de justice humaines, est voué avant tout à l’exécration des âges. Cette guerre est la plus terrible offense qui ait jamais été portée à la noblesse de vivre, à la