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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/59

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GINETTE.

Si, je m’étais trompée affreusement… C’est une gaffe ! Je m’en suis aperçue à l’instant même où je vous mettais la pièce dans la main, mais je me suis dit : bah ! puisque ça y est !… (Elle rit.) Vous en avez parlé à la cuisinière ?

LA MÈRE CARACO.

Il ne fallait pas ?

GINETTE.

Bah ! tant pis !… Et puis rien qu’en pensant à la tête qu’elle me fera, ça m’amuse. (À la mère Caraco, un peu ahurie.) Je vous disais de vous taire devant elle parce que je n’ai pas d’argent personnellement, je suis pauvre comme vous, je suis une émigrée, moi, et les petites aumônes que je puis faire, c’est avec l’argent de ma cousine… voilà ! Maintenant que vous connaissez la valeur de cette petite libéralité, vous en ferez peut-être un meilleur usage encore ! Vous ne buvez pas, au moins ?…

LA MÈRE CARACO.

Oh ! non, Mademoiselle, jamais plus depuis la mobilisation… Le dimanche seulement, je bois ma gratification…

GINETTE.

Vous êtes une patriote… Tenez, suivez le domestique. (Le domestique entre avec le paquet. Aux dames.) Voici, Mesdames…, ce n’est pas énorme…

LES DAMES.

Vous êtes trop aimable ! Si vous voulez bien signer sur le registre…

GINETTE.

Donnez. (Le domestique est sorti avec la mère Caraco et Germaine revient avec le plateau. Ginette, tout en signant, prend un morceau de pain et commence à manger