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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 11, 1922.djvu/110

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ALONSO, (se frappant le front et haussant les épaules.)

Oui, comme une chimère de poète ou d’amant !

DON JUAN.

Qu’est-ce que je risque à l’essayer ?

ALONSO.

Tu me stupéfies !… Je ne te savais pas à ce point enivré de toi-même !…

DON JUAN.

Ô mon ami ! la nef de l’église était comme un grand arbre au printemps, sous lequel on passe et où l’on entend chanter les oiseaux !…

ALONSO.

Et si ta renommée n’était que poussière ?… Quelle mauvaise spéculation !…

DON JUAN.

Ma renommée ? J’ai foi en elle !… Si je meurs jeune, en pleine beauté, j’imagine ce que les hommes feront de ma légende !… Quelle joie de la suivre de loin, bourgeois paisible, barbon à la retraite, au milieu de mes barriques et de mes figuiers dans quelque Murcie en fleurs !… À mes vieilles oreilles viendra mourir le bruit de mon passé, j’écouterai ces mensonges fabuleux et je sourirai en caressant ma barbe !… As-tu une pièce de monnaie sur toi ?… N’aie pas peur ; je te la rendrai.

ALONSO.

Ah !… tu seras toujours le même !…