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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 11, 1922.djvu/131

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maintenant ! Regarde-moi, ai-je encore vieilli ! Sois sincère… Me voici dans ma quarante-cinquième année… et un Andalou de quarante-cinq ans vaut généralement un Français de cinquante.

ALONSO.

Je sais que l’affirmative te fera plaisir. Donc, réjouis-toi, mon cher, tu as vieilli énormément.

DON JUAN.

Imbécile !

ALONSO, (riant.)

Mais je mentirais !… Je te trouve toujours le même… très beau… assez beau !

DON JUAN.

N’est-ce pas ?

ALONSO.

Ta lettre m’a navré, pauvre ami !… Tu meurs d’ennui tant que cela ?

DON JUAN.

Je ne meurs pas, je crève !… N’être plus rien, absolument rien !… La première année, l’anonymat, le pseudonyme… cela m’amusait… Mais maintenant, ne susciter que l’indifférence de tout le monde, être le futur bibliothécaire à calotte !… Aller finir avec les rats de Pampelune !… (Il prend les Mémoires de Don Juan dans sa poche et lit.) « Météore sanglant, quand on écrira l’histoire des idées, Don Juan figurera à côté d’Erostrate, d’Empédocle et d’Attila. » C’est flatteur… mais quel crétin !… Je suis tellement plus simple que tout cela ! On ne me connaît pas ! C’est désolant ! Dieu puissant, envoie-moi un jour mon historien !