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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 11, 1922.djvu/163

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LA MORT.

Tu m’as volé !… Tu as volé la Mort, Don Juan !… Tu as volé la Mort… Ceci m’appartient.

DON JUAN.

Non, non… Rends-moi cela !… C’est à moi !…

LA MORT.

Les mots sont morts, Don Juan… Les mots, comme les êtres, meurent, Don Juan !

DON JUAN.

Non, les mots sont vivants ! La preuve, c’est qu’elles sont toutes revenues à mon appel !

(Il montre les femmes déjà devenues plus impalpables.)
LA MORT.

Et qu’elles s’en vont toutes à mon appel… Les mots sont morts. Don Juan !… Ils ont dormi avec moi ! Ils ont couché avec moi… Je leur ai soufflé l’haleine du tombeau… Jamais plus, Don Juan !… Il y a des mots vivants, mais pas ceux-là… Il y a des mots vivants. (Elle se dirige vers la table et montre le livre apocryphe.) Voilà les mots ailés, menteurs, illusoires… Ils vivent, ceux-là, ils vivront éternellement, car ils sont le Mensonge… mais la vérité meurt avec nous, Don Juan, et rien ne la ressuscite… Adieu !… Si tu y tiens, voleur volé, je te rends le dépôt que tu m’avais confié et qui a dormi cinq ans dans la tombe… Tu peux le reprendre… J’en ai aspiré toute la vie !… À bientôt, Don Juan ! (Elle prend le manuscrit et l’ouvre. Elle fait l’appel en feuilletant les pages.) Consuelito ! Dolorès… Alicia… Beatrix… Felipa… Teresina… Isabelle… Il faut rentrer, mes enfants…