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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 11, 1922.djvu/269

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chantonnant, reprise par une songerie intérieure, s’allonge, étire voluptueusement les bras, bâille, prend sur une petite table un magazine, essaie de s’y intéresser, le laisse tomber, met le coude sur la tête et regarde au loin. Elle murmure à nouveau plus mollement : « Ces gosses ! » Puis elle ferme tout à fait les yeux. Le corps ondoie sur la chaise longue. L’expression du visage se fait plus animale, plus grave dans la volupté naissante. La main qui tient toujours la cigarette retombe le long du canapé. Elle a l’attitude du sommeil. Mais elle ne dort pas, elle songe. Un grand temps. On voit par la porte ouverte dans la galerie s’avancer un homme à qui le domestique montre de loin le chemin. Sur le seuil il s’arrête, le chapeau et un manuscrit roulé à la main. Celui-ci est de quelques années plus âgé que l’autre, les traits plus mâles et plus définis. Il sourit en regardant Marthe, puis entre sur la pointe des pieds et pose son chapeau. Marthe, les yeux clos toujours, porte la cigarette éteinte à sa bouche : les lèvres essayent en vain d’aspirer la fumée. Le jeune homme, sans bouger, tire de sa poche une boîte de tisons, gratte une allumette qui s’enflamme. Le bruit fait sursauter Marthe.)


Scène VI


MARTHE, SERGYLL

SERGYLL.

Du feu ?

(Il s’approche aimablement et gaiement en tendant l’allumette.)
MARTHE.

J’ai eu peur !… Comment es-tu rentré ?

SERGYLL.

Pas par la fenêtre, bien sûr !