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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/232

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sourds, évidemment ! Grand bien leur fasse ! Mais que dire des sourds volontaires, tel ce brave critique voué au bleu couleur du Temps (je ne le cite que parce qu’il représente fort bien certain état d’esprit dépourvu d’animosité spéciale), qui déclarait dernièrement, à propos de la Possession : « J’ai lu ce qu’a écrit M. Bataille, mais je ne veux rien en retenir. Je ne dirai que ce que j’ai vu. » Et ce qu’il a vu est quelque chose à ce point vulgaire et répugnant qu’on aurait honte de pouvoir être pareillement interprété, si l’on ne préférait plaindre ces défenseurs de la morale qui vivent, selon toute probabilité, sous l’empire d’obsessions morbides et lubriques telles que tout jugement sain est obnubilé en eux et qu’ils en arrivent à insinuer et à imprimer, par exemple, de la pure et digne épouse de la Vierge folle : « Si le public savait ou même soupçonnait ce qu’il a applaudi dans cette pièce, il en serait effrayé !… La femme légitime éprouve une joie sadique à s’insinuer entre le couple adultère, recherche leur contact et leurs ébats et, s’ils s’y prêtaient, elle en serait volontiers la spectatrice ! » Ah ! Morale ! que de sottises et de turpitudes on écrit en ton nom ! Tout de même, si tu n’avais pas, pour te soutenir, les critiques, les revuistes et les journaux spécialistes de la pornographie, que deviendrais-tu en notre veule époque, ô fille mal gardée !… Gaudeamus !… Réjouissons-nous, et n’épiloguons pas plus longtemps sur le dilemme obscur de la mauvaise foi ou de l’incompréhension passionnée. L’une et l’autre ont leurs titres de noblesse, à travers les âges. Ils suffisent !