Aller au contenu

Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/365

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de préjuger ! Comment veux-tu qu’il résiste à cette griserie, c’est pas possible. Et s’il déshonore un jour le nom que tu lui auras donné !

PHILIPPE.

Maman, voyons, c’est très pénible à entendre… Ne parle pas ainsi d’un héros.

MADAME LEVASSEUR.

On peut être des héros dans la tranchée, et dans la vie civile une épave morale. Combien la guerre nous a-t-elle renvoyé de ceux-là ! Soyons réalistes et ne nous payons pas de mots. En résumé, ce projet est fou !

LEVASSEUR.

Eh bien ! je ne trouve pas, moi. Qu’on me contrecarre ou non, j’ai le droit d’élever la voix.

MADAME LEVASSEUR, (au comble de l’exaspération.)

Moi aussi. Et je dis haut et clair que tu n’as pas le droit, pour un humanitarisme que personne ne te demande, de faire son malheur à lui (Elle désigne Philippe.) et de me manquer de respect à moi. Ici, pas de pitié russe ni de philosophie sociale, hein ! Je parle posément, en vieille bourgeoise saine d’esprit et de cœur. Je ne te laisserai pas commettre cette injure et cette injustice, ou je ne resterai pas un jour de plus sous ce toit.

LEVASSEUR.

Soit ! J’ai mon libre arbitre, après tout. Je suis conscient de mes actes.

MADAME LEVASSEUR.

Toi ? conscient !… Depuis quel âge et jusqu’auquel ?