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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 3, 1922.djvu/246

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MADAME CHADEAUX.

Madeleine, joue plus fort, mon enfant !

IRÈNE.

Oh ! ne craignez rien ; moi, je parle bas.

COLETTE, (à Madeleine, en regardant Irène.)

La prière d’une vierge, mademoiselle.

MADAME CHADEAUX, (reprenant avec insistance.)

Permettez-moi de m’étonner que vous traitiez de cérémonie de Zoulous l’institution la plus noble, et la plus sacrée. Et peut-on savoir, du moins, à quoi vous devez un aussi sauvage souvenir ?…

IRÈNE.

Vous y tenez ?… Oh ! le jour, ça allait encore ! Le tohu-bohu, les poignées de main, les félicitations, passe !… mais le soir, — je n’avais pas dix-sept ans, on m’a mariée orpheline, vous le savez, — lorsque me fut révélé ce soir-là ce que tous mes amis étaient officiellement invités à penser de moi, j’ai été remplie d’une confusion indicible !… En une seconde, j’ai revu, fixés sur moi, les yeux de mes tantes, de mes cousins, du petit Frédéric surtout, si farceur !… Je les devinais en train de se représenter la scène intime à laquelle la société les conviait, et j’éprouvais dans mon âme quelque chose qui ressemblait à de la rage ou de la honte, je ne sais plus, mais que les regards bêtes ou ironiques du lendemain ne furent pas pour atténuer !… Et j’ai compris et excusé, ce jour-là, le tact et la pudeur qui poussent, — évidemment, — certaines