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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 4, 1922.djvu/75

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touillaient la joue… je n’ai pas osé bouger… Tu continuais à jouer… par cœur…

GRÂCE.

Et tu m’as pressé doucement, chastement, le genou…

CLAUDE, (laissant tomber sa tête à lui sur l’épaule de Grâce, pendant que, de la main gauche, il continue de pianoter.)

Comme ça elle était, ta tête, sur l’épaule… Et puis, chérie, nous ne nous sommes pas dit un mot d’amour… Mais te rappelles-tu ce que j’ai osé le lendemain ?…

GRÂCE, (ralentissant le mouvement.)

Quoi ? déjà…

CLAUDE.

Tout d’un coup… tu jouais un morceau à arpèges… j’ai baisé tes doigts qui couraient… qui couraient sur le piano… et mes lèvres couraient après eux comme ceci, tiens… (Il refait comme autrefois.) Et tes mains fuyaient comme des oiseaux… je ne pouvais pas les saisir.

(Il ne joue plus, lui. Il bécotte les mains errantes de Grâce, à leur poursuite.)
GRÂCE.

Et tu m’empêchais de jouer, comme maintenant… ta bouche pesait sur mes mains… Ils s’interrompent cette fois tout de bon, mais ils restent assis côte à côte devant le piano.