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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 5, 1922.djvu/164

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tout ce que tu répondrais… Faisons le crime silencieusement… sans rien dire… comme les assassins.

(Il prend sa tête dans ses mains.)
LA PRINCESSE.

Tu l’aimes toujours.

BERNIER.

Non. Plus. Absolument plus !… Et c’est bien pour cela qu’il est plus dur d’être cruel ! Quand on n’aime plus, on est juste… on est de sang-froid… On juge comme s’il s’agissait d’un parent, d’un ami. C’est affreux ! Tu me comprends, n’est-ce pas ?… Tu m’excuses ? Nous n’avons pas, elle et moi, vécu une huitaine d’années ensemble impunément. Cet être sans défense que j’abandonne en chemin… et qui était si confiante ! Le père Garzin me le disait : « Elle a la tête tendue vers vous, comme vers le soleil… » Et il faut avoir ce courage !… Elle qui était en droit de croire qu’on allait trottiner ensemble dans la vie !… Encore si un cataclysme nous séparait, brusquement… mais non… ça va être long… il faudra maintenir la victime sous l’eau, des jours, des jours… Ah ! tu ne peux pas imaginer l’état où je suis ! Tout à l’heure, en venant, je butais sur toutes les voitures, dans la rue… La malheureuse !

LA PRINCESSE.

Pourquoi fais-tu ce que tu fais, dans ce cas ?

BERNIER.

Mais parce que je t’aime… et rudement encore !… Sans quoi !…

LA PRINCESSE.

Comme tu as bien dit ça !…