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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 5, 1922.djvu/257

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ce qu’un autre n’aurait pas obtenu en vingt ans, toi, tu l’as obtenu en quelques heures.

ARTANEZZO.

Pourquoi ?

CHARLOTTE.

Ah ça ! je n’en sais absolument rien, par exemple. Peut-être parce que tu n’es pas de chez nous… J’ai toujours été attirée par ces yeux-là ! Je sais bien que vous avez tous des yeux de ce genre, dans votre pays. Mais ça ne fait rien ! Tu réalises si parfaitement l’idéal que je me suis fait dans ma province !… Si tu savais comme nous vivons seuls, à Grasse ! Et j’aime tant mon mari, pourtant, et mes enfants !… Oui, je les aime plus que tout au monde. Mais, que veux-tu ?… Malgré tout, on s’ennuie !… L’hiver, nous voyons une société si peu distrayante : des sous-préfets, des agents voyers, toute la séquelle du département !… Si tu voyais ces têtes !… Mais, je vais à Nice, quelquefois à Cannes ; et puis à Grasse… l’hiver, il y a des étrangers. J’en ai vu passer un qui te ressemblait déjà et qui se rendait à l’église protestante, à côté de chez nous, près de la ville. Il est resté un peu de temps et puis je ne l’ai plus revu. Il m’a fait rêver quelques jours de toi… Ah ! j’avais un tel besoin d’amour, d’être aimée, Charles, et par quelqu’un qui aurait été un peu de par delà l’horizon, comprends-tu ce que je veux dire ?

ARTANEZZO.

Oui, je le devine, ce que tu veux dire… C’est ce que j’éprouve aussi…