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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 5, 1922.djvu/319

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savez bien, est le plus honteux des crimes… Ceux qui disent le contraire, ce sont les riches !… Je sais trop ce qui serait arrivé, si je vous avais déballé ma vie comme je le fais maintenant… Elle est belle ! Les hauts et les bas sont terribles… Des cercles aux tripots, tantôt la vie des palaces chics, l’intimité d’actrices, d’étrangères, tantôt la vie d’osteria dans les hôtels à carreaux cassés, tantôt c’est la haute société, les bals d’ambassade, tantôt la dèche, les voyages en troisième, le col relevé, le chapeau baissé… On va, on se laisse aller dans un sens moral qui s’émousse terriblement… Une cocotte vous garde huit jours. Oh ! je n’ai plus à plastronner, maintenant. Vous pouvez tout connaître de cet homme que vous ne reverrez plus… Il est fichu, d’ailleurs… à l’eau… voilà la vie que l’on traîne ; et, lorsqu’un soir, dans un salon d’hôtel, on aperçoit tout à coup une femme, on la regarde, on lui parle… elle se trouble… on l’embrasse dans un parc, et alors… tout à coup, elle vous dit des choses merveilleuses, exquises, on découvre l’être le plus charmant qu’on puisse rencontrer, si franc, si vrai, si différent de tout ce qu’on a vu… tellement… autre chose !… Ah ! j’ai nettement senti alors que c’était vous, ce qu’on doit appeler sur la terre le bonheur. Je vous aurais adorée, je vous aurais été dévoué, attaché comme un chien…

CHARLOTTE.

Étrange façon, vous l’avouerez, de prouver son amour et son attachement que celle qui a été la vôtre !