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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 6, 1922.djvu/139

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comme tu réponds, dans un moment pareil, c’est qu’il est inutile d’insister… Compris… J’en étais sûre d’ailleurs… Ce n’était qu’une formalité. Quand quelqu’un de ta trempe, grave, pondéré, prend une telle résolution, et casse tout, il n’y a plus rien à faire !… J’ai compris. Tu me passerais sur le corps… Tu passerais sur tout, tu nous sacrifierais tous, tu passerais sur ta propre douleur… C’est fini !… (Sur la borne où elle est assise, le corps a un fléchissement de mort. Puis, d’un mouvement lent et lassé des épaules et de la main, elle rajuste son manteau ; très simplement, elle se soulève, le pas traînant.) Alors, je ne vais plus te demander qu’une seule chose… une seule, vois-tu, mais j’en ai tant besoin ! (Elle a un tremblement.) S’il survenait dans ta vie un accident… sait-on jamais, n’est-ce pas ? il y a tant d’imprévu ! c’est vrai… la vie est bête… une voiture qui passe et écrase… la maladie… enfin, qui peut répondre de l’avenir ?… mille choses !… tu as quarante ans passés… elle est très jeune… dans quelques années, sait-on, un désaccord… enfin, écoute, s’il arrivait qu’à votre tour, vous deviez vous séparer… (Très vite dans une sorte de secousse de désespoir.) je te demande seulement de m’assurer que c’est à moi que tu reviendrais !

ARMAURY.
(Étonné d’abord, il la regarde, puis ses yeux se mouillent.)

Oh ! cela de tout mon cœur, Fanny ! Tu peux en être sûre… Je te le jure, de tout mon remords et sur toute notre ancienne tendresse !

(Silence.)
FANNY.

Et maintenant, il va falloir que je vive de cette