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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 6, 1922.djvu/219

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L’entaille s’ouvre, affreuse, et pourtant on est sûre
que l’on vient d’y mettre un peu de beauté future.
Oui… d’une autre beauté… c’est ça… parfaitement.
Un amour étranger renaît de la blessure…
Vous verrez !… Ah ! déjà vous m’écoutez bien mieux,
et nous voilà d’accord pour la première fois,
depuis tout à l’heure… je le lis dans vos yeux…
Vous venez doucement, très doucement à moi.
Encore un peu de temps, un jour, un jour ou deux,
et vous devancerez la main qui va vers vous…

(Au-dessus de la table les mains se tendent. L’Ombre donne une chiquenaude sur le bouquet de fleurs. Des fleurs s’effeuillent sur leurs mains. Et le silence a une palpitation, comme un cœur.)
ELLE.


Tiens ! Une rose s’est écroulée tout à coup.
Vous avez vu ?

LUI.


Vous avez vu ?Oui, c’est une chose adorable
que des roses qu’on trouve effeuillées sur des tables…

(Il se précipite sur les pétales.)


Nous disions ?

ELLE.


Nous disions ?Oui, pourquoi nous être interrompus ?
On brise un charme. C’est aussi de votre faute ;
vous avez sursauté.

LUI.


vous avez sursauté.Je ne le ferai plus.
Je suis nerveux, c’est vrai. Pour un rien je sursaute.

(Il a pris machinalement, à pleines mains, les pétales, et, nerveux, il en mâche un tout en parlant.)