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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 6, 1922.djvu/260

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L’ANGLAIS, (se décidant tout à coup à abandonner l’essai de langue française, parle avec volubilité en anglais.)

Pray, Pray, Coming, etc… (Puis il prend un petit dictionnaire usagé dans sa poche et cherche un mot. Silence prolongé. Quand il a trouvé le mot, il ferme le livre et, avec un effort douloureux, il épelle.) Je craindre… votre mari…

ADRIENNE, (vivement.)

Mon mari… mon mari !… Il n’y a rien à craindre !… Non, mon mari, ça ne fait rien ! restez-là !… Lewis… Lewis… comprenez… je vous aime… Ce soir, dans le parc…

L’ANGLAIS, (debout, immobile… Il a l’air de prendre une grande résolution au fond de sa cervelle… Puis il fait un pas et laisse tomber lourdement, résolument.)

Non !

ADRIENNE, (d’une voix étouffée.)

Écoutez-moi… ce n’est pas ce que vous pourriez penser… Je…

(Il est près de la portière, qu’il soulève pour regarder dans la pièce à côté.)
L’ANGLAIS.

Prenez ga… ar… de… (Puis, avant de partir, il retourne la tête vers elle, la fixe, secoue la tête de droite à gauche, blanc comme un linge, et lance encore mécaniquement, sans expression, mais fortement, avec une résolution grande comme le destin.) Non !

(La portière retombe. Adrienne reste seule debout. Elle regarde stupidement un grand moment la portière derrière laquelle il vient de disparaître. Puis, tout d’un coup, une grande rage folle la saisit à la gorge et éclate. Elle trépigne sur place, donne des coups de pied à la table et envoie promener douze coussins.)