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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/15

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L’ENFANT DE L’AMOUR





Ce n’est pas le fils naturel. Ce sont ces petites âmes non désirées que l’amour a fait éclore sur son triomphant et fatal passage. Ce sont les fils du hasard, que le pollen de l’amour a semés par-ci par-là, dans la grande forêt humaine, parmi la foule compacte de nos joies pressées, de nos douleurs comprimées. Ceux qui voudront bien écouter ma pièce comprendront que j’ai envisagé une de ces mille fatalités de l’amour, de la naissance et de la mort. Ici c’est le cas d’un enfant de courtisane. J’ai essayé de préciser et de généraliser aussi ce qu’il y a de pitoyable, d’inéluctable et de mélancolique infiniment dans ces naissances improvisées et ces destins derrière lesquels transparaît toujours le grand visage mystérieux de l’amour.

Ce n’est pas l’enfant martyr, ce n’est pas du tout « Jack ». Au contraire. Je n’ai pas présenté l’enfant abandonné, mais le bel enfant de l’amour qui s’auréole du luxe de sa mère et dont l’éclatante jeunesse, saine et fraîche, est simplement, aux yeux de la courtisane-mère, l’horloge terrible qui marque l’heure et la mort du Désir. L’éloignement dont il est la victime provient d’un déplacement de l’amour maternel chez une créature esclave des hommes et du temps.