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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/324

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j’en ai pris mon parti, j’ai apprivoisé ma douleur, vécu avec mon mal !… et j’ai mieux aimé, peut-être, te considérer, en effet, comme un étourneau raisonnable, que d’avoir à condamner tes actes.

HONORINE.

Quels actes ? Ma vie, du jour où je suis devenue responsable de ton avenir, a été exemplaire, je te prie de le croire !

HENRIETTE.

Ça, vois-tu, c’est comme lorsqu’on dit à un enfant : « Dès que tu as été malade, ne t’ai-je pas donné tous les soins ? » C’était auparavant qu’il fallait le soigner, l’enfant, qu’il fallait l’empêcher de se contaminer ! Va, j’ai plus souffert de ton passé que je n’ai souffert de ton présent… Crois-tu qu’elle a été gaie, ma jeunesse ? Même dans l’institution, où mes camarades me faisaient comprendre cruellement qui j’étais : « … Sa mère a des amants !… » Ah ! oui, « sa mère » !… Et à Biarritz, à Bagnoles-de-l’Orne, l’été, penses-tu que les lèvres d’homme qui m’effleuraient distraitement le front, je ne sentais pas que ce n’étaient pas celles d’un père ?… Oui, je sais… tu m’as fait voyager, tu as eu tout le tact désirable…

HONORINE.

J’ai fait, je crois, ce qu’il fallait pour épargner ton enfance.

HENRIETTE.

On n’épargne rien ! Lorsque je suis revenue d’Allemagne et que j’ai été obligée de donner mon passeport à la frontière, j’avais quinze ans, alors…

HONORINE.

Eh bien ! quoi ?