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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 8, 1922.djvu/367

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blement vite, et qui ne renaît que dans le souvenir désespéré que nous en avons !… Ah ! comme c’est immense la jeunesse !… Nous ne l’avons, ni assouvie, ni réalisée… Ne pas pouvoir la ressusciter ! Quelle injustice que la vie !

HONORINE.

Oui, Armand, c’est affreux… Pleurons ensemble, en nous retrouvant, cette espèce de mystification de la vie… Mais c’est un peu le drame de tout le monde, le seul drame qui compte au fond, le seul : le drame du temps !

JUSSIEUX.

Non, ce n’est pas vrai qu’il en soit ainsi pour tout le monde. Il ne s’agit pas d’un simple appel vers la jeunesse perdue. Nous pleurons un bonheur que nous aurions pu avoir. Le respect stupide d’autrefois qui a séparé nos bouches, arrêté nos bras au seul moment qui vaille d’être vécu… Je vous vois encore telle que vous étiez… J’adorais votre joue légèrement duvetée comme l’ont certaines adolescentes… vos étirements d’enfant sur l’herbe…

HONORINE.

Never more !… Jamais plus !…

JUSSIEUX, (le genou sur un fauteuil, assez près d’elle qui reste droite, pâle, adossée à la grille des marches.)

Mais, dites, cette odeur puissante de la jeunesse, cette persistance de parfum, nous l’avons encore sur nous. Peut-être pourrons-nous encore la respirer souvent…

HONORINE.

Oui, mon ami… mais ce sera autre chose… de défiguré… L’image, la vraie, elle est là… vivante encore… seulement il faut fermer les yeux pour la