Aller au contenu

Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 9, 1922.djvu/377

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

JULIEN.

On a réquisitionné les lampes et les bougies… J’ai un peu honte de vous introduire dans cette ferme humide et délabrée, mais c’est vous qui l’avez exigé !… Habituée à tant de luxe, à votre château, aux délicatesses du home, vous allez être choquée, attristée de cette misère…

(Il a posé la lampe sur la table ronde du milieu.)
FRÉDÉRIQUE.

Mais non, je suis très heureuse, Julien, de me sentir ici… dans ce pays qui vous a formé !… je tenais à connaître la source de vous-même… De la diligence, je regardais ces vallées tortueuses. Je comprends mieux certains atavismes en vous… Le pays vous ressemble… agité, sommaire… et pourtant sans méchanceté… Je suis attendrie à l’idée que vos premières années se sont passées ici, que vos yeux d’enfant se sont portés sur tous ces objets…

JULIEN.

Mon père était capitaine au long cours… La maison est pleine de ses souvenirs exotiques…

FRÉDÉRIQUE.

Pour la première fois depuis quinze jours, vous me croirez, Julien, je respire à l’aise… Je ne me sens plus la prisonnière.

JULIEN.

Quelle affligeante expression ! Passe pour les trois premiers jours, dans la chambre d’hôtel en plein Paris, tout ce temps où j’ai séché vos larmes, calmé vos désespoirs… Ce n’était pas gai, je le