Aller au contenu

Page:Baudoin - Jolis péchés des nymphes du Palais-Royal, 1882.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
93
DES FILLES PUBLIQUES

Après des considérations aussi puissantes, je n’hésite point à vous dévoiler encore les secrets de notre avenir. Ils seront de quelque poids pour engager vos excellences à une décision nouvelle.

Notre position est intolérable : on a voulu la rendre telle. Pour nous affranchir, il n’est qu’un moyen, nous sommes disposées à l’adopter. Un commerce quelconque, en nous donnant à la liberté, nous facilitera la continuation d’un métier qui nous faisait vivre, et le seul que nous puissions exercer avec avantage. Nous recevrons dans nos boutiques, les habitués le savent, les étrangers comprendront facilement nos gestes et notre mise. La police prétendra-t-elle alors exercer sur nous sa surveillance spéciale ? elle ne le pourra pas ; nous vivrons sous un régime commun, et les droits de visite même seront perdus pour elle. Une femme atteinte d’une maladie honteuse la propagera impunément, et la syphilis, qui commençait à disparaître de France, prendra une extension telle, qu’en dépit des ordonnances de monsieur Mangin, il sera bien difficile d’en arrêter les progrès.

La morale publique, messeigneurs, devant, comme toute bonne morale, être d’accord avec l’humanité, j’ose espérer que vous voudrez bien donner une désapprobation formelle, faire rapporter une mesure qui s’écarte de tous sentiments de pitié. Mes compagnes, signataires avec moi, attendent tout de cette démarche :