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Page:Baudry - Rue Principale 1 les Lortie, 1940.djvu/132

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RUE PRINCIPALE

— Comment, tu n’aurais pas dû ? Comment, ça ne se fait pas ? Mais tu as tellement bien fait, ma petite Fernande, que tu n’aurais pu mieux faire ! Tu viens de me donner les seules vraies minutes de plaisir que j’aie éprouvées depuis… depuis ma libération.

— C’est vrai ce que tu dis là ?

— Je te le jure ! Et je te demande pardon. Oui, je te demande pardon, d’avoir été assez bête, assez aveugle pour ne pas comprendre ce que tu valais.

— Je t’en prie, Marcel !

Ce n’était certes pas le soleil couchant qui mettait du rouge au front de Fernande. Il avait achevé de s’enfoncer, derrière les bois, là-bas, de l’autre côté du fleuve.

— Écoute, poursuivit Marcel ; malgré tout ce qu’on t’a dit de moi, malgré qu’un peu partout on me prenne pour un voleur, consentirais-tu à… à me revoir de temps en temps ?

Mais tous les jours, Marcel ! Tant que tu voudras !

— Ne réponds pas trop vite. Songe d’abord aux ennuis que tu peux t’attirer, à ce que ton père dira.

— Ça m’est égal !

— Dis-toi bien aussi, que si les gens savent que tu sors avec moi, ils te tourneront probablement le dos : ils te traiteront comme ils traitent ma sœur : ils te feront peut-être, à toi aussi, un tas de petites méchancetés.

— Ça m’est égal ! Ça m’est égal !

Tandis qu’au loin, le Duchess disparaissait ; tandis que déjà le crépuscule transformait toutes choses en silhouettes, Marcel, presque brusquement, prit Fernande par les épaules, l’attira vers lui, et lui prit longuement les lèvres.