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Page:Baur - Maurice Scève et la Renaissance lyonnaise, 1906.djvu/59

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avait coutume de le faire dans les moments où il était de bonne humeur.

Le 31 mars, il signa un édit de grâce pour les hérétiques auxquels il fut permis dorénavant de rentrer en France après une abjuration publique de leurs prétendues erreurs — c’est le même qui mit fin à l’exil de Marot. La protection que le monarque accorda à l’industrie des soies nouvellement établie à Lyon, est une des causes principales du développement prodigieux qu’elle eut à partir de ce moment. Les littérateurs de Lyon eurent aussi à se réjouir de l’humeur clémente du roi. Étienne Dolet reçut à cette occasion la permission d’imprimer ses Commentaires de la Langue latine, à quoi ses ennemis s’étaient opposés si longtemps avec tant de succès.

Les poètes lyonnais chantaient François Ier en vers enthousiastes ; nous avons des raisons de croire que Scève a composé à cette époque les dizains de la Délie qui célèbrent le roi de la Renaissance.

Ce ciel de soy communément avare
Nous a cy-bas heureusement transmis
Tout le hault bien de parfection rare
Duquel il s’est totalement desmis
Comme qui veult ses chers et saincts amis
D’aulcun bienfaict haultement premier.
      Car il a plu (non de ce coustumier)
Toute vertu en ces bas lieux terrestres
Soubz ce grand Roy, ce grand Françoys premier
Triumphateur des armes et des lettres[1].

Mais un événement bien triste fit perdre l’espoir au roi et remplit son âme de désolation.

Pendant qu’il était à Valence, vers le commencement du mois d’août, pour se rapprocher du théâtre de la guerre, c’est-à-dire de la Provence, on vint lui porter la nouvelle que celui de ses fils qu’il aimait le plus, le dauphin François, était décédé à Tournon le 10 août, à l’âge de 18 ans.

Résumons en peu de mots l’histoire de cette mort qui faucha le meilleur espoir de la France. Le dauphin avait joué à la paume avec sa suite de jeunes seigneurs, à Tournon, par une journée d’août sous le soleil brûlant de la Provence. Comme il était échauffé à n’en pouvoir plus, il but trop avidement de l’eau froide, dans un moment de repos, ce qui provoqua une maladie subite qui l’enleva en quatre jours. Toute la France honora des plus vifs regrets ce jeune prince aimable et intelligent ; il ressemblait à son père, étant bon soldat et hardi cavalier, aimant

  1. Délie, dizain 352.