Aller au contenu

Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
80
ABRABANEL.

lait à Lisbonne en diligence ; mais, ayant appris en chemin ce que l’on brassait contre sa tête, il se sauva promptement dans les états du roi de Castille. Tous ses biens furent confisqués dès le retour des soldats qui avaient eu ordre de l’amener mort ou vif. Il perdit alors avec tous ses livres un commencement de Commentaire sur le Deutéronome, à quoi il eut beaucoup de regret. Quelques auteurs chrétiens (D) ne conviennent pas que la cause de cette disgrâce soit aussi peu fondée sur sa mauvaise conduite qu’il le dit. Ils font le même jugement de ses autres persécutions (E). Quoi qu’il en soit, s’étant établi dans la Castille, il se mit à enseigner et à composer. Il fit, en 1484, son Commentaire sur le livre de Josué, sur celui des Juges et sur ceux de Samuel ; puis il fut appelé à la cour de Ferdinand et d’Isabelle, et il y eut des emplois pendant huit ans, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’on chassât les Juifs des états du roi catholique, en 1492. Il fit tout ce qu’il put par ses prières et ses lamentations (F) pour détourner cette terrible tempête ; mais il n’obtint rien, et il fallut qu’il sortit, comme tous les autres, avec sa femme et ses enfans. Il se retira à Naples, et y composa, en 1405, son Commentaire sur les livres des Rois. Comme il était courtisan, il n’oublia pas de se faire bien valoir par la connaissance qu’il pouvait avoir acquise de la cour de Portugal et de celle d’Aragon ; de sorte qu’il s’insinua dans les bonnes grâces de Ferdinand, roi de Naples, et puis dans celles d’Alphonse. Il suivit la fortune de ce dernier lorsque Charles VIII, roi de France, le chassa de Naples ; car il fit avec lui le trajet de la Sicile (G). Après la mort d’Alphonse, il se retira à Corfou et y commença son Commentaire sur Ésaïe, l’an 1405. Il eut la consolation de recouvrer, par je ne sais quelle aventure, ce qu’il avait autrefois écrit sur le livre du Deutéronome. Il repassa en Italie l’année suivante, et s’alla confiner à Monopoli, dans la Pouille[a], où il écrivit plusieurs livres. Il acheva son Deutéronome, et il composa son Sevach Pesach [b], et son Nachalath Avoth [c], l’an 1496. L’année suivante il composa son Majene Hajeschua [d], et, en 1498, son Maschmia Jeshua[e], et son Commentaire sur Ésaïe. Quelque temps après, il fit un voyage à Venise pour y terminer les différens qui s’étaient émus entre les Vénitiens et les Portugais au sujet des épiceries, et il fit paraître tant de prudence et tant de capacité, qu’il s’acquit l’estime et la faveur des puissances. Il composa à Venise son Commentaire sur Jérémie, l’an 1504. Quelques uns veulent qu’il ait aussi composé alors le Commentaire sur Ézéchiel et sur les douze petits prophètes. Il fit en 1506 le Commentaire sur l’Exode, et il mourut à Venise l’an 1508 (H), à l’âge de soixante et onze ans. Il laissa trois fils : Juda, Joseph et Samuel (I). L’aîné a été médecin et grand poëte, et a composé plu-

  1. Notez qu’il y séjourna sept ans. Bartolocci, Bibl. rabbin. tom. III, pag. 875.
  2. C’est-à-dire, le Sacrifice de Pâques.
  3. C’est-à-dire, l’Héritage des pères.
  4. C’est-à-dire, les Fontaines du salut.
  5. C’est-à-dire, le Prédicateur du salut.