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Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/271

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ADONIS.

la scène d’Adonis ; les uns la mettaient dans la Syrie ; les autres dans l’île de Cypre ou en Égypte, comme on le verra dans les remarques. On a dit d’Hercule deux choses bien opposées par rapport à notre Adonis : l’une, qu’il en fut amoureux, et que la jalousie porta Vénus à indiquer au centaure Nessus comment il pourrait dresser des embûches à Hercule [a] ; l’autre, que ce héros, voyant sortir beaucoup de monde d’un temple dans une ville de Macédoine, y voulut entrer pour y faire ses dévotions ; mais qu’ayant appris qu’Adonis était la divinité qu’on y adorait, il s’en moqua[b]. Quelqu’un débite qu’Adonis était né de Jupiter, sans le concours d’aucune femme[c]. Saint Jérôme a cru que le prophète Ézéchiel a parlé de la fête d’Adonis (I). Au reste, il est difficile de comprendre pourquoi les anciens ont feint que Vénus cacha ou même qu’elle enterra ce sien mignon sous des laitues (K), puisqu’ils observaient que cette plante rend inhabile à l’acte vénérien. On comprendrait peut-être leur allégorie s’ils avaient entendu par-là que Vénus avait mis sur les dents son favori, et qu’elle l’avait fait tellement passer par l’alambic, qu’il n’était plus comparable qu’à la terra damnata, et qu’au caput mortuum des chimistes ; mais ils ne parlent pas d’une telle explication ; ils n’ont pas dit tous qu’il soit mort de sa blessure (L). Il y avait auprès de Byblos une rivière nommée Adonis, qui descendait du mont Liban. Elle devenait rouge une fois l’an, à cause que les vents y transportaient beaucoup de poussière qui ressemblait à du vermillon. On ne manquait pas alors de dire que c’était le temps de pleurer Adonis ; que c’était le temps où il recevait des blessures sur le Liban, et où son sang coulait dans cette rivière[d].

  1. Ptolem. Hephæst. apud Photium, pag. 473.
  2. Scholiast. Theocriti, ad vs. 21, Eidyll. V. Zenobius et Apostolius in Proverb.
  3. Val. Prob. in Ecl. X. Virgil. ex Philostephano.
  4. Lucian. de Deâ Syriâ.

(A) Fils de Cinyras, roi de Cypre. ] Presque tous les auteurs conviennent que Cinyras régnait en cette île[1], encore que quelques-uns aient dit qu’il avait régné premièrement dans l’Assyrie [2]. Voyez l’article Byblos. Ovide le fait naître dans l’île de Cypre ; mais il veut que Myrrha, fuyant son père, qui la voulait tuer, après qu’il eut connu son inceste, ait traversé l’Arabie, et soit accouchée d’Adonis au pays des Sabéens[3]. Il n’eût pas mal fait de remarquer en quatre mots, que Cinyras était passé de l’île de Cypre dans l’Arabie, ou que Myrrha s’était embarquée dans cette île. Lorsque Adonis naquit, sa mère avait déjà été métamorphosée en l’arbre d’où coule la myrrhe. Nous apprenons de Ptolomée, fils d’Héphestion, que Vénus, cherchant Adonis, dont elle avait su la mort, le trouva à Argos, ville de Cypre, dans le temple d’Apollon Érythien. Il y avait donc des gens qui disaient qu’il avait été tué dans cette île. Properce est de ce nombre, lorsqu’il dit dans la XIIIe. élégie du IIe. livre :

Testis, qui niveum quondàm percussit Adonim.
Venantem Idalio vertice, durus aper.


Il y avait à Amathonte, dans l’île de Cypre, un temple d’Adonis et de Vénus[4]. Strabon dit que Byblos était le séjour du roi Cinyras, et qu’on

  1. Voyez Meursius de Insulâ Cypro, lib. II, cap. IX.
  2. Apollodor., lib. III, pag. 238.
  3. Ovid. Metam., lib. X, vs. 480 et 513.
  4. Pausan. in Bœoticis.