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Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/523

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ALTING.

longue suite de chagrins[a] (H). Voilà ce que j’ai extrait de sa Vie, qui est à la tête du premier volume de ses Œuvres. Si quelqu’un trouve des faussetés dans cet article, je le prie de ne s’en prendre pas à moi, qui n’ai fait que rapporter fidèlement ce que m’a fourni l’ouvrage que j’ai cité. J’avertis une fois pour toutes, que je ne me rends point caution de ces sortes de récits. Je conclus par cette remarque : c’est qu’Alting état un théologien fort attaché au texte de l’Écriture, au coccéianisme et au rabbinisme. Cette dernière application l’exposa à une terrible injure (I). Il prêchait bien en trois langues, en allemand, en flamand et en anglais.

  1. Ex Vitâ Jacobi Altingii in limine Operum, editor. Amstelodami, an. 1687.

(A) Toute son enfance fut un perpétuel changement de lieu ] Car, à l’âge de deux ans, on l’envoya chez Chrétien Chytræus, ministre de Bretten. L’année suivante, sa mère, nonobstant sa grossesse, fut obligée de se retirer à Heilbron, où elle le mena ; et de là, au bout d’un an, il fallut se retirer à Schorndorf : Sequente mox anno propter imminentem Heidelbergæ obsidionem, matre etiam comite, eâque tum gravidâ, Hailbronnam, indequè exacto anno Schorndorfium missus est[1]. Henri Alting, son père, l’amena ensuite, avec toute sa famille, à Embden, par des chemins détournés. D’Embden il se transporta à Leide, où il fut précepteur des fils du roi de Bohème. La peste l’obligea d’aller de Leide à Honslaerdijk ; enfin il passa de Honslaerdijk à Groningue lorsqu’il y fut appelé pour la profession en théologie, l’an 1672. Jacques Alting était alors âgé de neuf ans.

(B) On rendit à son sujet un jugement digne de remarque. ] Je ne prétends point prendre partie dans l’affaire particulière dont il s’agit en cette rencontre : je me contente de dire que, dans le général, on ne saurait s’empêcher, sur de pareilles contestations, de juger comme firent les théologiens de Leide. Ceux qui avancent de nouvelles hypothèses, se piquent trop de les soutenir au préjudice de la paix et de la tranquillité ecclésiastique et académique. Ils seront donc orthodoxes tant qu’il leur plaira ; mais ils n’auront pas assez de prudence : il y aura de la témérité dans leur fait ; car c’est être téméraire que de troubler le repos public sans une grande et urgente nécessité. Ceux qui s’opposent à une nouvelle méthode d’enseigner témoignent trop de passion : je veux croire que quelquefois il n’y a rien de personnel qui conduise leurs démarches ; mais ils outrent les choses, ils alarment toute l’Église pour des bagatelles ; ils font craindre la dépravation totale de la confession de foi, lorsqu’on n’y donne encore aucune atteinte. Ils seront donc zélés tant qu’il leur plaira : mais ils ne seront ni modérés, ni charitables, ni équitables. Ils seront même aussi imprudens que leurs adversaires : ils ne prennent pas garde qu’une nouvelle méthode dont on ne fait pas semblant de s’apercevoir tombe d’elle-même ; au lieu que, si on la choque de droit front, elle dégénère en parti. Le nouveau méthodiste aura des parens dans la régence qui le soutiendront de tous leurs cliens ; et ainsi, vous verrez bientôt la combinaison du droit civil et du droit canon, les factions d’état et les factions d’église, appariées ensemble. Que n’a-t-on point à craindre de ce conflit ? Qu’on épargnerait de maux à la religion et à l’état, si on se contentait de s’opposer aux innovations fondamentales !

(C) Il se fit entre lui et Des-Marets une manière de réconciliation au lit de mort. ] Un ministre de Groningue, voyant M. Des-Marets hors d’état de guérison, lui proposa de se réconcilier avec son collègue ; et, en suite de son acquiescement, alla proposer la même chose à M. Alting. Celui-ci fit réponse que le silence qu’il avait gardé au milieu des clameurs et des livres de son adversaire répondait de son humeur pacifique ; qu’il était toujours prêt d’accepter la paix sous des con-

  1. Vita Jacobi Altingii.