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Page:Bazalgette - Émile Verhaeren, 1907.djvu/67

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semble. Il représente l’engloutissement de « l’universelle humanité dans l’abime d’un cœur », la fusion du mystère et de la vie, tordus « en un même éclair ». Verhaeren a le don d’évocation et de puissance à un degré inconnu chez nous depuis le chantre de la Légende des Siècles.

Non seulement le chantre des Villes Tentaculaires a su transposer l’atmosphère même de l’industrialisme moderne, mais il y a dans son vers comme une machine qui tournoie, et qui bat et qui vibre. Le secret de son art m’est révélé, lorsque je me trouve parmi les grondements, les fulgurations, les martèlements, les sifflements, les ahanements et les senteurs d’une chambre des machines, ou lorsque j’écoute le halètement prodigieux d’une locomotive au terme de sa course, ou quand la sirène d’un transatlantique déchire l’air de sa plainte hurlée. Cette frénésie dans la puissance, cette ivresse de force, qui secouent certaines de ses strophes, ne se retrouvent que dans les machines et leur orgueil d’être si formidables et si précises. Ce n’est pas dans le silence et la solitude comme l’exigent d’autres poètes, mais là où se concentrent les activités et les foules que je m’éprouve près de Verhaeren.

Verhaeren ne procède de personne. Il n’est pas sorti comme les chefs de sa génération poétique, de Laforgue, de Villiers, de Mallarmé ou de Verlaine. Il n’a subi que les influences générales de son temps.

Il n’en est point d’autres aujourd’hui pour faire