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poète a repris la route et nous donne bientôt ses Heures d’Après-midi (1905) qui sont le plus délicieux bréviaire de la convalescence qu’un artiste ait su tirer du plus intime de sa vie.

Étudier une œuvre aussi chargée d’individualisme sans évoquer l’homme lui-même dont elle a jailli comme un cri, ce serait négliger un des moyens de la comprendre. Car l’artiste s’est donné tout entier dans son art, âme et tempérament.

De taille plutôt petite, les épaules arquées, Verhaeren offre dans sa personne on ne sait quoi de noueux et de cassé tout à la fois. Le visage est maigre, le front et les joues labourés de rides profondes. Un mouvement ordinaire du cou projette la tête en avant. D’immenses et paradoxales moustaches blondes, où se mêlent quelques fils argentés, barrent la face et la pavoisent d’un double panache flottant et retombant. Derrière le pince-nez immuable des yeux très clairs, gris verts —

•  •  •  •  •  •  •  •  •   •   •    la mer
Et sa couleur est dans mes yeux. —


reflètent de la tendresse, de la tristesse et des nostalgies. L’homme tout entier trahit une pesante fatigue coupée de force soudaine et volontaire. On se l’imaginerait courbé par des labours. Malgré le visage qui révèle la nervosité de l’artiste, on retrouve dans sa démarche sans élégance, ses gestes en saccades, sa façon brusque de s’a-