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Page:Bazalgette - Émile Verhaeren, 1907.djvu/72

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en plus à s’épandre et qui désormais est accepté par l’élite européenne, comme le sont depuis longtemps un Ibsen, un Gorki, un Hauptmann. Sur ce point pas l’ombre d’un doute.

En regard de cette large acceptation au dehors, quelle est donc la situation du poète en France ?

À part un demi-millier de poètes, d’artistes et d’amateurs d’art qui l’aiment — et de quelle ferveur ! — un tel homme demeure presque ignoré. Son nom même, aux rauques sonorités, cause des étonnements, lorsqu’on le prononce en certains milieux « lettrés ». Et malgré les chefs-d’œuvre qu’il lui donnait, le public est demeuré en France, sa patrie d’adoption, comme un bloc d’indifférence, autant qu’en Belgique, son pays d’origine.

N’est-il donc personne pour relever ce fait étonnant qu’à l’heure où je trace ces lignes, ce sont deux Belges, rejetons de cette race inexistante littérairement il n’y a guère plus d’un quart de siècle, qui sont à travers le monde, les deux suprêmes représentants de notre littérature ? Si, Zola disparu, nul prosateur français ne jouit du renom universel d’un Maeterlinck, aucun de nos poètes depuis Verlaine ne possède le prestige international d’un Émile Verhaeren. C’est là un fait qu’avec un peu de curiosité et de sincérité chacun peut reconnaître. Opinion d’ailleurs qui s’est trouvée curieusement confirmée par le plébiscite qu’organisait il y a deux ans une revue provinciale, le Beffroi, et dont le résultat fut de voir apparaître le nom de Verhaeren en tête de liste. À