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Page:Bazin - La Terre qui meurt, 1926.djvu/53

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Mathurin, qui était près de la table, avec le père, devint tout sombre. Quand les verres furent remplis, il leva le sien avec les autres, mais il ne le heurta point contre celui d’André.




VII

SUR LA PLACE DE L’ÉGLISE


Les cloches sonnaient la fin de la grand’messe. L’enfant de chœur répondait : Deo gratias. Comme aux jours de sa jeunesse, comme aux dernières années du XIIe siècle, où elle fut bâtie au sommet de l’îlot de Sallertaine, la petite église, toute jaunie à présent par les lichens et les giroflées de muraille, voyait la foule de ses fidèles, vêtus de la même façon qu’autrefois, s’écouler dans le même ordre, franchir les mêmes portes, former sur la place les mêmes groupes homogènes.

— Il va sortir ! disait la grande Aimée Massonneau, la fille du Glorieux, de la Terre Aymont. L’avez-vous vu, ce pauvre Mathurin Lumineau ? Il a voulu venir à la messe : Dieu l’en dispense pourtant !

— Oui, répondit la petite rousse de Malabrit. Voilà six ans qu’il n’a pas paru dans Sallertaine.

— Six ans, vous croyez ?

— Je me souviens : c’était l’année où ma sœur s’est mariée.

— Et pourquoi pensez-vous qu’il soit venu ? demanda Victoire Guérineau, de la Pinçonnière, une méchante langue et une jolie fille, qui avait la peau rose comme une églantine. Car il a dû prendre sur lui, pour venir !

— C’est par honneur pour le père, dit une voix. Le vieux est si triste depuis qu’Éléonore et François sont partis !

— C’est pour se montrer avec son frère André, dit une autre. Un beau gars, André Lumineau ! et s’il voulait de moi…