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le château vert

— Précisément, ce ne sont que des infamies.

— Oui, mais qui, même lorsque le temps les aura dissipées, laisseront sur mon nom une tache que rien n’efface. Les légendes ne meurent pas.

— En leur attribuant une valeur quelconque, ne consacrez-vous pas leur existence ? Pour moi, elles n’existent pas. Qu’est-ce donc que des racontars peuvent faire à notre amour, Mariette ?

Philippe se rapprochait, à son insu, la voix chaude, haletante.

— Vous m’oublierez, Philippe. Il le faut… Voyez-vous, je ne veux pas apporter chez vous les abominations d’une légende, qui s’est si vite propagée dans toutes les classes de la société.

— Vous êtes trop sensible, Mariette. Écoutez-moi.

Elle mit ses mains sur son visage, non par un sentiment d’indifférence aux prières de Philippe, mais pour cacher sa désolation, peut-être sa défaillance. Il s’agenouilla doucement à ses pieds et, lui saisissant les mains qui résistèrent, il poursuivit d’une voix qu’entrecoupaient des sanglots :

— Mariette, vous allez nous rendre tous malheureux. Sera-t-il donc vrai que quelques êtres jaloux parviendront à empêcher notre mariage ?

Mariette découvrit son visage et paisiblement répondit :

— Ce matin, Philippe, je suis allée à l’église prier Dieu. J’ai prié qu’en sa charité il m’inspire une résolution raisonnable. Eh bien ! voyez-vous, je suis résolue à renoncer à notre mariage.

— Est-ce possible !…

Il la regarda longuement, avec une imploration passionnée, et soupira :

— Il me semble que vous me repoussez, parce que je ne suis pas digne de vous, qui êtes si pure, si enviée.

— Enviée, certes, je le suis. Pourtant mon père souffre, mais sans se plaindre… Ah ! je sais bien qui a pu si perfidement empoisonner l’opinion publique.

— Je le sais aussi.

— Non, cependant. Ne portons point de jugement téméraire. Ne faites aucun mal pour moi.

— Vous êtes trop généreuse. Les méchants ne méritent aucune pitié… Au revoir, Mariette.

Philippe s’était redressé, l’âme ardente sous le calme de