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Page:Beaumont - Contes moraux, tome 2, Barba, 1806.djvu/163

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Pendant que ce père prudent dévorait le désespoir auquel son ame était en proie, son épouse dormait tranquillement, sans se douter de la perte qu’elle venait de faire. Le marchand monta dans sa chambre, et lui dit, de l’air le plus tranquille en apparence, qu’il avait commis une faute à son égard dont il espérait le pardon. Il s’est présenté, lui dit-il, pour Henriette une occasion favorable de voir la France. Une dame anglaise, du premier rang, me l’a demandée pour deux mois. J’ai craint votre tendresse, ma chère : vous m’auriez peut-être empêché, par vos larmes, de tenir la parole que j’avais donnée ; et, comme il y va de la fortune de notre enfant, j’ai cru devoir la faire partir sans vous en avertir. Alors, sans donner à sa femme le tems de lui faire des reproches, il forge à l’heure même un roman : cette dame avait un fils unique à qui elle souhaitait inspirer du goût pour Henriette ; et, par des raisons de famille, elle voulut que cela fût secret.