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Page:Beckford - Vathek, éd. Mallarmé, 1893.djvu/133

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sérail, et qui était à deux lieues de distance. Vathek, choyé par ses eunuques, ne s’était encore aperçu de rien ; il était mollement couché sur des coussins de soie dans son ample litière ; et, pendant que deux petits pages, plus blancs que l’émail de Franguistan, lui chassaient les mouches, il dormait d’un profond sommeil, et voyait briller les trésors de Suleïman dans ses rêves. Les clameurs de ses femmes le réveillèrent en sursaut, et, au lieu du Giaour avec sa clef d’or, il vit Bababalouk tout transi et consterné : Sire, s’écria le fidèle serviteur du plus puissant des Monarques, le malheur est à son comble ; les bêtes féroces, qui ne vous respecteraient pas plus qu’un âne mort, sont tombées sur vos chameaux. Trente des plus richement chargés ont été dévorés avec leurs conducteurs ; vos boulangers, vos cuisiniers et ceux qui portaient vos provisions de bouche ont éprouvé le même sort, et, si notre saint Prophète ne nous protège pas, nous ne mangerons plus de notre vie. À ce mot de manger, le Calife