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Page:Beckford - Vathek, éd. Mallarmé, 1893.djvu/203

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— Cesse de faire l’imbécile, dit Vathek ; tu seras bientôt convaincu que celle que je tiens dans mes bras est Nouronihar, bien fraîche et très vivante. Va faire dresser mes tentes dans une vallée que j’ai remarquée ici près ; je veux y fixer mon habitation avec cette belle tulipe dont je ranimerai les couleurs. Fais en sorte de nous pourvoir de tout ce qu’il faut pour mener une vie voluptueuse jusqu’à nouvel ordre.

Les nouvelles d’un incident aussi fâcheux parvinrent bientôt aux oreilles de l’Émir. Au désespoir de ce que son stratagème n’avait pas réussi, il s’abandonna à la douleur et se barbouilla dûment le visage avec de la cendre ; ses fidèles barbons en firent autant, et son palais tomba dans un affreux désordre. Tout était négligé ; on ne recevait plus les voyageurs, on ne faisait plus d’emplâtres ; et, à la place de l’activité charitable qui régnait dans cet asile, ceux qui l’habitaient n’y montraient plus que des visages d’une coudée de long ; ce n’était que gémissements et barbouillages.